Monsieur le Maire,
Chères et chers collègues,
Chères Montreuilloises et chers Montreuillois,
Ce soir, en vous proposant de voter l’approbation de la Charte d’engagement du programme économie circulaire et solidaire de la Métropole du Grand Paris, nous vous demandons d’approuver un projet de création de plateforme physique et numérique de logistique alimentaire dans notre ville.
Mais, au-delà, nous vous proposons surtout de lancer Montreuil dans une expérimentation qui renouvelle entièrement ce que l’on appelle le domaine de « l’aide alimentaire ». Nous sommes en effet convaincus, depuis les débuts de nos actions à travers les États généraux de l’alimentation, la création de la CASAAM (Coordination des Acteurs Sociaux et de l’Aide Alimentaire de Montreuil) et celle du CLAM (Conseil local de l’alimentation) : l’accès à une alimentation de qualité, saine, et en quantité suffisante, est un droit ! Et ce droit doit désormais s’appuyer sur de nouveaux concepts pour devenir effectif.
Les plus grands acteurs du secteur de l’aide alimentaire, grâce à qui des millions de personnes vivant dans notre pays ont pu se nourrir pendant des décennies, le reconnaissent : l’heure n’est plus aux simples élans de solidarité, elle est à l’action commune, continue, structurante.
Ceci, pour de multiples raisons, parmi lesquelles l’augmentation continue des besoins. À Montreuil, la précarité alimentaire n’est plus une crise ponctuelle : c’est hélas une réalité quotidienne qui s’installe. Nous avions vu durant le confinement des milliers de familles se tourner vers l’aide alimentaire : cette demande n’a pas diminué depuis. En France, le Secours Catholique estime qu’en 2024, plus de 3 millions de personnes ont eu recours à l’aide alimentaire ; à Montreuil, nos estimations sont évaluées à entre 4 et 5000 personnes.
Autre raison : la nécessité, reconnue par toutes les associations montreuilloises de la CASAAM, de mutualiser les actions, les moyens, les savoir-faire. Ceci, dans plusieurs buts : s’assurer que toutes les personnes qui en ont besoin pourront accéder à de l’alimentation (ne laisser personne sans solution) et bien couvrir l’ensemble de nos quartiers, mais aussi l’ensemble des tranches d’âge, depuis les plus petits (je pense aux jeunes parents et à leurs bébés), jusqu’aux plus âgés de nos seniors.
Cette mutualisation aura aussi pour but d’éviter tous les gaspillages. Gaspillages énergétiques quand plusieurs camionnettes font les aller-retour entre la ville et, par exemple, le marché de Rungis ou gaspillages de produits invendus – ou non consommés – et finalement jetés alors qu’ils pourraient encore être consommés. C’est l’enjeu qui nous permet aujourd’hui de demander à la MGP une aide significative – et c’est un enjeu que nous partageons toutes et tous.
Enfin, et ce n’est pas la moindre des évolutions que nous souhaitons mettre en œuvre : nous voulons favoriser le « pouvoir d’agir » des bénéficiaires de l’aide. Pour que celles et ceux qui le voudront ne soient plus uniquement des personnes « aidées », mais bien des personnes agissantes pour le bien commun, l’accès à l’alimentation de leur famille, mais aussi de leurs voisines et voisins. Ce n’est pas une utopie politique sans fondement : dès les premiers jours, par exemple, du confinement lié au CoVid, nous avons vu des collectifs d’habitants se constituer, s’entraider et construire des actions permettant d’éviter le pire : la faim. Les associations de la CASAAM, comme celles qui par exemple répondent à notre AIVD témoignent toutes de l’engagement d’habitants bénévoles en leurs seins.
Alors ce projet est logistique, certes. Mais il est aussi profondément social, environnemental et culturel. Il redonne du sens à l’action publique locale, en s’attaquant aux racines des inégalités tout en construisant des solidarités concrètes. Il fait le lien entre celles et ceux qui ont trop peu, et celles et ceux qui peuvent donner. Il fait le pont entre le champ et l’assiette, entre le gaspillage et la justice, entre la précarité et la dignité.
Concrètement, il s’agit d’une infrastructure mutualisée, physique et numérique, qui permettra de collecter, stocker, conditionner et redistribuer des denrées alimentaires, notamment fraîches et locales, en direction des structures montreuilloises d’aide alimentaire et de leurs bénéficiaires. Elle articulera une logistique “du dernier kilomètre” à faibles émissions de GES, avec une attention particulière portée à la qualité, à la traçabilité, au respect de la chaîne du froid.
Pour cela, un local va être loué rue de Saint-Antoine, proche de l’Épicerie Aurore qui est fortement associée au projet et avec laquelle nous allons partager le poste de logisticien en vue de cette future plateforme. Une chambre froide sera installée dans ce local de 123 mètres carrés pour garantir la chaîne logistique.
La Charte que nous vous présentons confirme enfin le cadre de coopération que nous avons souhaité : entre collectivités, associations, structures d’insertion, producteurs locaux, bailleurs sociaux, entreprises et habitants eux-mêmes. Chacun y aura sa place et ses responsabilités.
Vous l’aurez compris : pour nous tous, la plateforme est un premier outil au service d’une ambition plus vaste. C’est la première brique de ce qui deviendra, je l’espère un système alimentaire robuste, solidaire, ouvert aux partenariats et initiatives multiples et attentifs aux besoins locaux. Là, au cœur du pôle de l’ESS Saint-Antoine, pourront s’imaginer par la suite de nouvelles actions de redistribution, des cours de cuisine, des interventions avec des maraîchers, des séances de découverte pour les écoliers…
Je conclurais en remerciant très profondément le travail remarquable, effectué en très peu de semaines, par l’équipe du CCAS, Valérie Bélard et Olivier Gastou, la Direction Générale Ville Inclusive. C’est leur ancrage au plus près des acteurs locaux, et leur connaissance des besoins, qui nous permet ce soir de vous présenter ce projet.
Je vous invite donc à voter cette délibération avec conviction.
Je vous remercie.