Intervention sur la Charte de la construction pour une Ville résiliente

Monsieur le Maire, Monsieur le premier adjoint, chers collègues, 
Chers montreuilloises et montreuillois 

Nous saluons la proposition qui nous ai faite d’adopter la version 2024 de la Charte de la construction pour une ville résiliente. Nous saluons également la qualité du document qui nous est proposé, à la fois très détaillé et riche.  

Cette charte couvre avec pertinence l’ensemble des enjeux de la construction d’une ville plus sobre, plus respectueuse des défis environnementaux auxquels nous sommes exposés, et cela est aussi essentiel, plus accessible à toutes et tous. Nous apprécions donc le caractère complet des préconisations qui sont ainsi formulées. 

Le document prend sérieusement en compte des problématiques qui étaient survolées, voire absentes des versions précédentes. Il est bien plus complet que la Charte de 2021 en considérant toute la diversité des enjeux que touche la construction à Montreuil : énergie, isolation-ventilation, biodiversité, économie sociale et solidaire, spéculation… Nous apprécions l’ambition de faire « plus de confort avec moins de technologie” en résonance avec les impératifs écologiques. Nous saluons également les synergies proposées avec la Charte pour un aménagement durable et inclusif de la Ville de Paris, qui déploie des objectifs similaires. Enfin, s’appuyant clairement sur le dispositif “Clauses sociales” d’Est Ensemble, nous mobilisons un levier essentiel pour favoriser l’accès à l’emploi et à la qualification des demandeurs d’emplois du territoire montreuillois. 

Nous saluons tout particulièrement les dispositions avancées concernant l’encadrement des prix à la commercialisation des logements, le plafonnement des loyers et l’instauration d’une clause anti-spéculative. Ces composantes économiques de la charte sont particulièrement importantes au moment où nous constatons que le secteur du logement social est en souffrance et que les récentes propositions du gouvernement ne font d’affaiblir les efforts des villes qui comme Montreuil veulent préserver l’accès de toutes et tous, et en particulier des plus modestes, à des logements décents, insérés dans un cadre urbain de qualité. 

Nous nous questionnons cependant sur l’efficacité à venir de cette Charte, par nature,  non contraignante. De fait, la plupart des orientations proposées sont formulées sous la forme de recommandations, de préconisations ou d’invitations… Conscient des relations souvent tendues qu’entretiennent les promoteurs avec les collectivités qui reçoivent leurs constructions, nous nous interrogeons sur la capacité de la ville à faire effectivement respecter ses recommandations et préconisations et à voir ses invitations mises en œuvre avec diligence par les professionnels de la construction. 

Je prends pour exemple la Clause anti-spéculative, dont il est précisé qu’elle est insérée dans les contrats « à l’initiative des promoteurs ». Ne doit-on pas craindre que la réalité du marché et les appétits des constructeurs prennent vite le dessus sur leur volontarisme à refréner la spéculation immobilière qui les fait vivre ? 

Nous avons noté une proposition d’encadrement des loyers à 150€ le mètre carré. Mais ne devrions-nous pas être plus ambitieux pour promouvoir une ville abordable pour les habitants et habitantes les plus modestes. 

Dans le même ordre d’idée avons la capacité de tenir efficacement sur les règles énoncées en matière d’encadrement des prix de sortie ?  

Cette interrogation s’étend bien évidemment à l’efficacité des préconisations plus techniques concernant le choix de matériaux biosourcés, l’esthétique des constructions, le respect des espaces verts, et les précautions à prendre pour protéger la biodiversité. Au moment où de nombreux secteurs professionnels s’élèvent contre la prolifération des normes sociales et environnementales, il ne faudrait pas que les préconisations de la Charte qui nous ai proposée, préconisations de qualité comme nous l’avons souligné plus haut, soient contestées puis sacrifiées sur l’hôtel du monde réel si souvent évoqué par les conservateurs du monde d’avant !  

Ce document montre, aussi, quelques angles morts que nous pouvons regretter. Il ne fait pas mention de l’intégration des énergies renouvelables, alors que les constructions et les rénovations de bâtiments peuvent être un vecteur important pour le déploiement d’équipements solaires et géothermiques. La Charte ne propose pas non plus de promouvoir les bâtiments à énergie positive, alors que ce type de projets se multiplient en France, et qu’ils constituent une réponse particulièrement pertinente face à la flambée des prix de l’énergie qui, nous devons l’admettre, est plus tendancielle que contextuelle.  

Enfin, nous nous interrogeons sur l’articulation de ce document avec ses équivalents proposés par Est Ensemble : je parle ici de la Charte Économie Circulaire pour les acteurs de l’aménagement du territoire et du Référentiel pour un aménagement durable. Qu’est-il envisagé pour que notre Charte s’implémente de concert avec les préconisations d’Est Ensemble ? Est-il envisagé, à l’image de la Charte Économie Circulaire, de réunir les acteurs du bâtiment pour leur faire signer notre Charte, en amont des projets, ou nous contenterons-nous d’une signature projet par projet ?  

Je voudrais profiter du débat sur cette charte pour soulever rapidement deux sujets directement corrélés à l’ambition de promouvoir une ville résiliente.  

Le premier concerne la part d’activité – commerciale, artisanale ou artistique – qui sera réservée dans l’ensemble des constructions à venir. En effet, nous constatons, à l’échelle d’Est-Ensemble, un réel déficit de surfaces d’activité pour accueillir les entrepreneurs, les commerçants et les artistes qui font la richesse et alimente la diversité du tissu urbain. Il nous semble essentiel de veiller à renforcer les capacités d’accueil de ces activités en donnant autant que possible la priorité aux acteurs de l’économie sociale et solidaire.  

Le deuxième sujet concerne les constructions existantes, et non les constructions à venir. Une part importante de notre parc bâti doit faire l’objet d’une rénovation énergétique indispensable pour réduire les consommations énergétiques et, par conséquent, réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Nous constatons qu’à Montreuil, comme dans les autres communes d’Est-Ensemble, nos dispositifs d’accompagnement de la rénovation ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. 

Vous admettrez avec nous que la ville résiliente, que nous appelons de nos vœux, ne pourra se satisfaire d’une juxtaposition de constructions neuves, certes exemplaires, mais essaimées dans un ensemble urbain fait de constructions dégradées, de passoires énergétiques ou de logements insalubres ! 

Je vous remercie des réponses que vous apporterez à nos interrogations.